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Sauvons l'Europe - SciencesPo.
14 juin 2008

Redécouvrir le Traité de l'Europe sociale proposé par Stéphane Hessel, Pierre Larrouturou et Michel Rocard en 2004.

L'Europe est en panne : c'est un fait. Relancer l'Europe, c'est proposer une Europe plus démocratique et plus sociale.

En 2004, Stéphane Hessel, Pierre Larrouturou et Michel Rocard proposaient un projet de Traité de l'Europe sociale qui avait obtenu le consensus de tous les progressistes, et ce même avec l'absence de soutiens de la part de la direction des partis de gouvernement. Voici la tribune qui était publiée dans
Le Monde du 9 juin 2004 et qui comportait déjà de nombreux signataires, et non des moindres.

Cinq critères pour l'Europe sociale
par Stéphane Hessel, Pierre Larrouturou et Michel Rocard

Comment Jacques Chirac pourrait-il refuser au peuple français de se prononcer sur un texte aussi important qu'une nouvelle Constitution ? Le traité de Maastricht fut soumis à référendum, le quinquennat fut soumis à référendum, le statut de la Corse fut soumis à référendum et, aujourd'hui, après Tony Blair, ce sont Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et l'ensemble de l'UMP [Union pour la majorité présidentielle] qui demandent un référendum.

Il y aura probablement un référendum, et tout le monde sent bien que le non risque de l'emporter si le texte proposé aux citoyens reste trop proche de celui issu des travaux de la Convention.

Cette Constitution ne répond pas suffisamment aux attentes des citoyens. Elle ne donne pas à l'Europe un projet concret et mobilisateur. Dès lors, pourquoi ne pas profiter de l'initiative de Blair pour corriger le tir avant qu'il ne soit trop tard ? Pourquoi ne pas améliorer le texte avant que les peuples ne disent non ? La nouvelle Constitution n'entrera en vigueur qu'en 2009. Pourquoi ne pas prendre quelques mois pour améliorer le texte et lui donner les meilleures chances d'être accepté par les citoyens ?

"Votez oui à Maastricht, et on se remettra au travail tout de suite sur l'Europe sociale", affirmait Jacques Delors quelques jours avant le référendum sur Maastricht.

Il reconnaissait que le traité était très insuffisant en matière sociale mais demandait aux citoyens de ne pas casser la dynamique européenne. Le oui l'avait emporté d'extrême justesse.

Douze ans plus tard, alors que la crise sociale s'aggrave dans tous les pays d'Europe, alors que des millions de citoyens (Autrichiens, Italiens, Allemands, Français et bien d'autres encore) sont descendus cette année dans les rues pour dénoncer la régression sociale qu'on veut leur imposer, l'argument "Faites nous confiance, on va se mettre au travail" ne portera plus. Si l'on ne veut pas que le non l'emporte aux référendums de ratification, si l'on ne veut pas que l'Europe se disloque ou devienne une zone de libre-échange sans puissance politique, il faut d'urgence inclure dans la Constitution un vrai complément social. Un traité, un accord, un pacte aussi concret, ambitieux et contraignant que le fut le traité de Maastricht en matière monétaire.Haut de page

Le traité de Maastricht comportait cinq critères (un déficit inférieur à 3 % du PIB; une dette inférieure à 60 %...). De même, nous proposons cinq objectifs, et donc cinq critères pour l'Europe sociale :

un emploi pour tous : un taux de chômage inférieur à 5%;

une société solidaire : un taux de pauvreté inférieur à 5%;

un toit pour chacun : un taux de mal-logés inférieur à 3%;

l'égalité des chances : un taux d'illettrisme à l'âge de 10 ans inférieur à 3%;

une réelle solidarité avec le Sud : une aide publique au développement supérieure à 1% du PIB.

L'objectif pour nos démocraties doit être l'éradication totale de la pauvreté, du travail précaire et du chômage de longue durée. Mais, comme première étape, nous proposons que des sanctions comparables à celles infligées aux pays qui sortent des critères de Maastricht soient prévues pour les Etats qui ne respecteraient pas ces critères sociaux en 2015.

A nous d'aller voir comment nos voisins danois sont parvenus à faire tomber l'illettrisme à 3%. A nous d'aller voir en Hollande comment ont été réglés les problèmes de logement ou comment la Suède a fait reculer la pauvreté.

Le traité doit comporter également des garanties fortes en matière de financement des systèmes de sécurité sociale et de pérennité des services publics. Le droit de la concurrence a pris une place excessive dans la construction européenne. Il est temps de reconnaître à sa juste valeur l'importance des services publics.

Le traité doit aussi mettre fin au moins-disant social que provoque la règle d'unanimité en matière fiscale et ouvrir la possibilité de créer un impôt européen (écotaxe, impôt sur les bénéfices ou taxe Tobin améliorée).

Nous avons été capables de créer une monnaie unique. Douze Etats qui décident de faire monnaie commune, c'est du jamais-vu en temps de paix. Nous avons vaincu l'inflation : en quelques années, elle est passée de 12% à 2% ! Pourquoi ne pas lutter avec autant de force contre la précarité ou l'illettrisme ? Pourquoi ne pas nous attaquer vraiment au mal-logement ou au mal-développement ? N'est-ce pas le meilleur moyen d'affirmer concrètement nos valeurs humanistes, le meilleur moyen de réconcilier l'Europe et les Européens ?Haut de page

Jacques Delors, Bronislaw Geremek, José Bové, Enrique Baron Crespo (président du groupe socialiste au Parlement européen), Jean Daniel, Susan George, Antonio Guterres (président de l'Internationale socialiste), Elio Di Rupo (président du PS belge), Piero Fassino (secrétaire général de Democratici di sinistra), Bruno Trentin (CGIL), René Passet, Timothy Radcliffe, Gérard Onesta (vice-président du Parlement européen), Daniel Lebègue, l'abbé Pierre, Philippe Guglielmi, Mgr Ricard, Mgr Rouet, Jean-Maurice Dehousse (ancien ministre-président de la Wallonie), Dominique Plihon, Robert Goebbels (ancien ministre de l'économie luxembourgeois), Jean-Jacques Viseur (ancien ministre des finances belge), Claudy Lebreton, Alain Rousset, Pierre Joël Bonté, Dominique Wolton, Marie-Christine Blandin, Martin Hirsch (Emmaüs), Gérard Pelletier, Alain Trautmann (Sauvons la recherche), Axel Kahn, Patrick Pelloux, Esther Munoz, François Dufour, le MNCP (Chômeurs et précaires), quelque 250 parlementaires et des milliers de citoyens issus de neuf pays de l'Union ont déjà signé la pétition en faveur d'un vrai traité de l'Europe sociale (www.europesociale.net).

C'est la première fois que Jacques Delors et José Bové signent un texte commun. C'est la première fois que Mgr Ricard et Philippe Gugliemi (Liberté laïcité) signent le même appel. Il n'est pas courant de voir s'associer des responsables d'Attac et un ancien directeur général de la Caisse des dépôts... Si tous ont signé, c'est qu'il y a urgence. La Suède a dit non à l'euro car elle était inquiète pour son modèle social. Si rien ne change, le non risque fort de l'emporter dans deux ans dans plusieurs pays fondateurs de l'Union, dont la France. Dans quel état l'Europe sortira-t-elle de la crise ?

"Par notre inertie, nous enlevons au monde son visage humain", écrivait le philosophe Alain (1868-1951). En ne se donnant pas les moyens de devenir une force politique, diplomatique et militaire, l'Europe participe à la déshumanisation du monde. Il y a dix ans, Shimon Pérès et les autres signataires des accords d'Oslo demandaient à l'Europe de les aider à construire la paix au Proche-Orient... Dix ans plus tard, tous les matins, la radio nous apprend combien d'hommes, de femmes ou d'enfants sont morts sur les rives du Jourdain, du Tigre et de l'Euphrate... et nous nous sentons dramatiquement impuissants.

Face aux déséquilibres et aux drames que provoque l'impérialisme américain, il est temps de réagir et de faire naître une Europe politique, disposant d'une diplomatie et d'une armée. Oui, il y a urgence à faire naître cette Europe politique, capable de tirer richesse de sa diversité.
Mais il n'y aura pas d'Europe forte sans soutien des opinions publiques : pas d'Europe politique sans Europe sociale. Et dans l'état actuel des choses, c'est par elle qu'il faut commencer.

Stéphane Hessel est ambassadeur de France. Pierre Larrouturou est porte-parole de l'Union pour l'Europe sociale. Michel Rocard, ancien premier ministre, est député européen.

Le texte du Traité de l'Europe sociale :_Users_diegomelchior_Desktop_europe_sociale

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Commentaires
J
Oui je comprends. Que vous êtes vous-mêmes malades à cause de l'Europe... Vous savez, l'Europe bloquée, l'Europe retardée, voire l'Europe annulée, ce n'est pas la fin du monde, la vie continue ! ... Vous vous faîtes beaucoup de mal pour rien, avec votre défaitisme et votre énergie du dernier espoir ! Mais la vie continue, peut-être pas comme vous l'envisagez, à petits pas comme vous l'envisagez - ou pas - autrement. Ça fait aussi du bien "autrement". Moi, la paix perpétuelle de Kant me fait très peur. J'ai l'impression d'en prendre pour perpète avec lui.
D
Que répondre à des questions existentielles de ce type si ce n'est :<br /> <br /> 1)Relisez l'appelle de Sauvons l'Europe de 2005.<br /> 2)Redécouvrez : http://www.amazon.fr/Projet-paix-perp%C3%A9tuelle-Emmanuel-Kant/dp/2749500524/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1213720774&sr=8-1
J
Non je ne réponds pas particulièrement à cet article. Je réagis au nom même de votre collectif... "Sauvons l'Europe".<br /> <br /> Elle a l'air bien malade, votre Europe, pour qu'elle ait besoin que vous voliez à son secours... Mais de quelle Europe parlez-vous ? Selon quelles représentations sociales ?<br /> <br /> Êtes-vous partisans de l'unionisme, du fédéralisme ou du superétatisme ? Êtes-vous partisans de la démocratie de marché, de la démocratie socialiste (au sens collectiviste du terme), de la démocratie à la proportionnelle, de la démocratie non-proportionnelle, etc. ?<br /> <br /> Inscrivez-vous dans un désir-majoritaire tyrannisant les devenirs-minoritaires ? Ou bien vous situez-vous dans un devenir-minoritaire fustigeant le désir-majoritaire ?<br /> <br /> En somme, êtes-vous bêtement pro-européens, où bien réfléchissez-vous votre propre pro-européanisme ?<br /> <br /> Faîtes preuve d'un peu plus de philosophie, je vous prie.
K
Merci pour ce rappel. Il serait temps de remettre tout cela au goût du jour.<br /> L'idée d'objectifs chiffrés et contraignants, qui laissent aux États une réelle marge de manoeuvre pour choisir les moyens de les respecter me semble excellente.
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