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Sauvons l'Europe - SciencesPo.
13 janvier 2006

La querelle Blair - Chirac

bellchrcaa

Les 15 et 16 décembre derniers, le Conseil européen de Bruxelles a enfin adopté le budget de l’Union européenne pour 2007-2013. Les Etats membres se sont mis d’accord sur une dépense globale pour cette période de 862,4 milliards d’euros. Les Etats membres par le dernier élargissement obtiennent 5 milliards d’euros en plus ; quant au Royaume-Uni, il voit la diminution du rabais sur sa contribution aux finances communautaires étalée tout au long de la période 2007-2013. Cet accord est couplé à une clause de révision générale du budget de l’Europe. La Commission européenne sera chargée de revoir tous les aspects du budget à compter de 2008, sans tabous. Ainsi, pour 2005, le budget s’élève à 116,55 milliards d’euros et 43% des crédits vont à la politique agricole commune.

Tel est le dénouement final de la polémique autour du budget européen, de la PAC et du rabais britannique qui a caractérisée la présidence anglaise de 2005. Le litige sur le rabais britannique avait commencé en juin dernier et opposait le Royaume-Uni à l’Union Européenne. L’Union Européenne prévoyait une nette diminution du rabais britannique dans le budget européen.
Cette ristourne avait été obtenue lors du sommet de Fontainebleau en 1984 par Margaret Thatcher. Le rabais était né pour compenser le fait que le Royaume-Uni percevait une part relativement faible des aides à l'agriculture européenne (70% du budget européen en 1984). Le mode de calcul des contributions, fondé sur la fiscalité, faisait aussi du pays l'un des plus gros contributeurs, alors qu'il était l'un des Etats les moins riches. Mais aujourd’hui, tout a changé. La PAC compte pour moins de la moitié du budget européen et l’économie britannique est aussi devenue la deuxième plus forte en Europe. Le rabais continue pourtant de représenter 66% de la contribution nette britannique de l'année précédente, soit 4,6 milliards d'euros par an en moyenne entre 1997 et 2003.

Dans cette optique la diminution du rabais britannique était totalement justifiée. Pourtant, dans un premier temps, Tony Blair a refusé cette diminution en avançant qu’il n’accepterait aucune diminution  tant que les fonds consacrés à la PAC, le rabais français, (dixit Tony Blair) ne seraient pas, eux aussi, réduits. À partir de là avait débuté le bras de fer entre Londres et Paris. Le président Chirac avait alors taxé les propos de Blair de chantage et avait condamné cette attitude non solidaire. Dans le même temps, Chirac avait joué la carte des nouveaux états membres contre le leader travailliste pour l’isoler politiquement de la scène européenne. Finalement après négociations, les Etats membres sont arrivés à un consensus qui, globalement, laisse les choses dans l’état et, d’une certaine manière, sont même pires qu’avant pour la Grande-Bretagne.

Mais l’attitude de Tony Blair était-elle totalement condamnable comme on a essayé de le montrer dans la plupart des médias français ? Il faut bien préciser que le soi-disant chantage de Tony Blair était tout de même appuyé par un certain nombre d’arguments percutants et fondé sur des réalités effectives. Que la Grande-Bretagne ait été réticente à la diminution de son rabais et qu’elle ait cherché à se défendre en attaquant sur le terrain de la PAC est un fait mais celui-ci doit être replacé dans son contexte.

Tout d’abord, si Tony Blair a tellement tenu à défendre le rabais britannique c’est plus dans une optique européenne que dans une volonté intéressée de gagner de l’argent pour la Grande-Bretagne car Blair est un Européen convaincu, même si beaucoup ont du mal à l’admettre. En  souhaitant maintenir le statut quo sur le rabais britannique, Blair voulait que la population Britannique conserve une des seules choses qui lui fait peut-être accepter l’idée d’être membre de l’Union Européenne. Céder sur le rabais n’aurait eu que comme aboutissement l’émiettement d’une conscience britannique européenne particulièrement fragile.
Ensuite, même si Blair a lancé le débat autour de la PAC en réaction aux discussions autour du rabais britannique, ce débat devait de toute façon avoir lieu. Comment admettre en ce début de XXIe siècle que la seconde puissance économique mondiale, l’UE, consacre 40% de son budget à l’agriculture ? N’y a-t-il pas des domaines d’investissements plus importants ? La recherche, l’enseignement, l’écologie ne devraient-ils pas bénéficier de fonds aussi importants que l’agriculture ? La question a été posée et semble encore agitée les esprits des décideurs européens.

Dans tous les cas, une vision réfléchie du monde montre bien que la PAC tend de plus en plus à être décalée avec son temps. Ce n’est pas être libéral que d’affirmer cela, c’est juste être réaliste et chercher à sortir des idéaux dépassés par les évènements : la PAC fonctionnait bien avant la chute du mur de Berlin, on peut espérer mieux de l’Europe actuellement. Cependant l’agriculture ne doit pas être totalement abandonnée en Europe et pourquoi ne pas redéfinir son emploi en créant par exemple une agriculture de biomasse ?

Enfin, ce qui a été le plus pénible dans ce débat autour de la PAC et du rabais anglais est cette ambiance anti-anglaise et nationaliste à tel point que le débat s’est focalisé sur un conflit de nations où l’UE elle-même semblait être absente. On entendait bien plus souvent parler de discussions entre France et Grande-Bretagne ou entre pays de l’Est et Grande-Bretagne que de concertation Européenne. Cet épisode, même si son dénouement s’est fait de manière consensuelle, montre bien que la réflexion à l’échelle nationale reste prédominante et que les intérêts nationaux passent encore bien avant la solidarité européenne et cela est vrai aussi bien pour la Grande-Bretagne que pour la France.

Diego MELCHIOR

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Commentaires
M
bien dit !
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